Les dossiers de Globe Échos : La Chine, puissance historique ou géant contemporain ?

GLOBE ÉCHOS | 06/09/20 17:48

La Chine constitue aujourd’hui l’actuelle puissance mondiale économiquement, politiquement et militairement. Cela est vu, dans une perspective occidentale, comme un évènement inédit qui rompt avec la précédente domination des puissances européennes et américaine. En réalité, il s’agit d’un retour à la puissance historique de la Chine, qui demeure depuis des millénaires comme le centre économique et démographique du monde.

Durant la période qui court de l’Empire romain à l’époque moderne (1700-1800), la Chine est la première puissance mondiale. Sa production industrielle ou artisanale, sa démographie et sa taille en font le centre de l’Asie et audela. Pourtant, les empereurs chinois de l’époque ne cherchent pas à s’étendre de façon importante hors de la zone d’influence chinoise. En effet, selon la géopolitique chinoise, le monde est vu selon la Chine elle-même, l’Empire du Milieu. Ensuite, les pays étrangers se rangent entre puissances tributaires, alliées, vassales ou ennemi en cercles concentriques. Les autorités chinoises ne sont pas familières du fait colonial qui se développe en Europe à partir du 15e siècle. Malgré l’expédition maritime de grande ampleur menée par Zheng He vers 1410 dans l’Océan Indien, la Chine reste à l’écart des Grandes Découvertes. C’est au cours du 19e siècle que la puissance chinoise décline face aux Etats européens.

En effet, les puissances européennes tentent de s’imposer en Chine au 19e siècle. La France et le Royaume Uni souhaitent ouvrir le marché chinois aux produits coloniaux européens ce que refuse les autorités impériales. Ainsi, durant la première (1839-1842) et la seconde (1856-1960) guerres de l’opium, la France, le Royaume Uni et les Etats Unis contraignent l’Empire du Milieu à accepter leurs conditions. Le Traité de Nankin (1842) et la Convention de Pékin (1860) confirment les avantages commerciaux européens en Chine. Ces « traités inégaux » marquent la période de crise pour la Chine. Les décennies suivantes, les puissances étrangères dont l’Allemagne, la Russie, la France, le Royaume Uni, l’Italie, le Japon et les Etats Unis obtiennent des concessions sur le littoral chinois : il s’agit de zones territoriales et commerciales aménagées dépendantes de l’autorité étrangère. Face aux pénétrations étrangères, le pays connait également des crises politiques importantes : révolte des Taiping (1851-1864), la révolte des Boxers (1899-1901), l’abolition de l’Empire et proclamation de la République (1911-1912). De 1914 à 1945, la domination européenne établie précédemment reste au statu quo alors que l’Empire japonais s’étend sur le territoire chinois. Entre 1937 et 1945, le Japon dispose d’un véritable espace colonial en Chine dans le cadre de la « Sphère de coopération pacifique ». Parallèlement, le camp national est composé des deux tendances nationaliste et communiste (Mao Zedong). En 1949, le camp communiste remporte la guerre civile et établit un régime marxiste en Chine.

La période 1949-1976 est dominée par la figure de Mao Zedong qui met en place son programme idéologique. Le Grand Bond en Avant (1958-1960) et la Révolution Culturelle (1966-1970) représentent deux initiatives maoïstes pour changer l’Homme – principe de l’Homme Nouveau- mais également pour affermir son contrôle sur le Parti Communiste et la société chinoise. Les excès révolutionnaires du gouvernement conduisent à l’épuisement du potentiel économique chinois. La mort de Mao Zedong entérine la transition vers le gouvernement de Deng Xiaoping qui représente une ligne politique plus pragmatique. Sous sa direction, la Chine se modernise et se rapproche de l’Occident capitaliste (Richard Nixon, 1971). L’économie communiste est aménagée pour recevoir les investissements extérieurs. Ces changements conséquents produisent une modernisation et un développement de la société chinoise qui tend à se rapprocher des standards occidentaux.

Durant la période 1949 – 1980, la Chine entre dans une nouvelle étape. Sous l’autorité du gouvernement maoïste, le pays devient le centre névralgique du mouvement du Tiers Monde. Elle influence également les mouvements révolutionnaires dans le monde, en Occident comme dans les pays sous-développés. Plusieurs commentateurs étrangers considèrent la future puissance de la Chine comme inéluctable étant donné le potentiel général de ce pays. Alain Peyrefitte, conseiller du Président Charles De Gaulle commente sa visite diplomatique en Chine à travers l’ouvrage : « Quand la Chine s’éveillera ». Il décrit les conditions qui selon lui doivent conduire au développement à grande ampleur du géant chinois. Ses prédictions se réalisent durant la période 1980-2020. La Chine accède aux standards occidentaux de production, d’industrialisation, de développement urbain. Le pays se modernise rapidement et parvient à concurrencer la puissance nord-américaine.

Ainsi, la puissance historique chinoise, ombragée par la crise de 1840-1980, se concrétise dans son poids actuel sur la scène internationale. Devenu un géant économique et démographique, elle ambitionne désormais de devenir un acteur international majeur et une puissance militaire de premier ordre.

Thomas Péan, correspondant Globe Échos en Amérique latine

derniers tweets