Mali: nouveau "carnage" dans le centre, la "survie" du pays en jeu, selon IBK
GLOBE ÉCHOS | 11/06/19 14:15
Un bilan estimé à une centaine de morts, des maisons incendiées, des animaux abattus: une attaque a ravagé un village dogon du centre du Mali, où le cycle d'atrocités entre communautés désormais antagonistes menace l'existence même du pays, a affirmé lundi le président Ibrahim Boubacar Keïta.
Cette attaque, dans la nuit de dimanche à lundi, contre un village de la zone de Bandiagara, à l'est de Mopti, fait suite au massacre le 23 mars à Ogassogou de quelque 160 Peuls attribuée à des chasseurs dogons dans cette région, proche de la frontière avec le Burkina Faso, devenue la plus violente du pays.
Depuis l'apparition en 2015 dans la région du groupe jihadiste du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l'agriculture, qui ont créé leurs "groupes d'autodéfense".
"Ce n'est pas à un cycle de vengeance, de vendetta, que ce pays doit être conduit", a déclaré à la télévision publique ORTM le président malien, en Suisse pour le centenaire de l'Organisation internationale du travail (OIT), annonçant qu'il écourtait son séjour.
"IBK" (ses initiales) a appelé au contraire à des "retrouvailles" entre Maliens, "qui seules vont nous permettre de rebondir et permettre à notre nation de survivre. Car nous sommes en question de survie", a-t-il estimé.
"Des hommes armés, soupçonnés d'être des terroristes, ont lancé un assaut meurtrier contre le paisible village de Sobame Da", avait auparavant annoncé le gouvernement.
"Le bilan provisoire établi par une mission du poste de sécurité de Diankabou", dans les environs, "fait état de 95 morts et de 19 portés disparus", a précisé le gouvernement, dénonçant un "carnage".
- "Barbarie inqualifiable" -
Un élu local a évoqué des "corps calcinés". Selon un rescapé, Amadou Togo, les assaillants "une cinquantaine d'hommes lourdement armés, venus à bord de motos et de pick-up", ont "d'abord encerclé le hameau avant de lancer l'assaut".
"Certains ont été égorgés et éventrés, des greniers et du bétail ont été brûlés. Personne n'a été épargné: femmes, enfants et vieilles personnes", a-t-il raconté à l'AFP, évoquant, outre le bilan de 95 morts, 38 blessés.
Le chef de la Mission de l'ONU au Mali (Minusma), Mahamat Saleh Annadif, a condamné cet "acte d'une barbarie inqualifiable".
Ce drame rappelle "que dans cette spirale de la violence, il n'y a pas les méchants d'un côté et les gentils de l'autre. Tout le monde est responsable. Le seuil de l'intolérable est atteint et le temps d'un sursaut national s'impose", a-t-il ajouté.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé les protagonistes à "s'abstenir de représailles". Il "exhorte le gouvernement et tous les acteurs à engager un dialogue intercommunautaire pour résoudre les tensions et les différends".
L'association de chasseurs dogons Dan Nan Ambassagou, officiellement dissoute au lendemain du massacre d'Ogossagou, a condamné un "acte terroriste et génocidaire intolérable", indiquant qu'elle "considère cette attaque comme une déclaration de guerre".
Le groupe avait démenti toute implication dans la tuerie d'Ogossagou mais rejeté sa dissolution et refusé de "déposer les armes".
- Peuls stigmatisés -
Le ministère de la Justice a annoncé pour sa part "l'ouverture d'une enquête préliminaire par le procureur du pôle judiciaire spécialisé dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée".
Dans un rapport publié la semaine dernière sur une attaque de chasseurs dogons présumés le 1er janvier ayant fait 39 tués peuls, la Minusma et le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme (HCDH) avaient souligné l'exacerbation des tensions dans la région depuis deux ans.
"En l'absence des Forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM), des soi-disant groupes d'autodéfense et autres milices se sont formés sur base communautaire", face aux Peuls, souvent assimilés aux extrémistes, selon ce rapport sur l'attaque contre le village de Koulogon.
Dans son dernier rapport sur le Mali, en vue de l'examen par le Conseil de sécurité le 27 juin du renouvellement du mandat de la Minusma, le secrétaire général de l'ONU met en garde contre de nouvelles "atrocités" dans le centre du pays.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes, en grande partie dispersés par une intervention militaire lancée en janvier 2013 à l'initiative de la France, qui se poursuit.
Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et de l'ONU, malgré la signature en 2015 d'un accord de paix censé isoler définitivement les jihadistes, dont l'application accumule les retards.
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