L’avortement : un droit au conditionnel

GLOBE ÉCHOS | 17/01/22 16:32

Ce lundi 17 Janvier 2022, nous fêtons les 47 ans de la loi Veil relative à l’interruption volontaire de grossesse encadrant la dépénalisation de l’avortement en France. Ce sujet tant controversé a été voté dans un contexte d’une France rétrograde et conservatrice. Depuis, la société a évolué et l’avortement semble être entré dans les moeurs françaises.  Pourtant ce n’est pas le cas dans tous les pays. Certains n’ont toujours pas accepté l’avortement comme un droit et d’autres reviennent sur leur décision. Alors pourquoi l’accès à l’avortement recule dans certains pays ? Et pourquoi les mouvements contre l’avortement semblent-t-ils regrouper de plus en plus d’individus ? 

 

L’avortement en France : point de vue historique 

Avant 1975, l’avortement était fortement puni par le système judiciaire français allant jusqu’à prononcer des peines de prison. L’accès à la contraception n’étant pas légal avant 1967 et aucune éducation sexuelle n’étant faite, beaucoup de femmes, de couples, recouraient à l’avortement. Celui-ci étant illégal, les conditions sanitaires étaient dramatiques. Les conséquences d’une telle opération chirurgicale hors de locaux stériles et sans moyens matériels pouvaient être funestes. La légalisation de la contraception par la loi Neuwirth de 1967 entérine la loi de 1920 qui interdisait non seulement toute forme de contraception mais aussi toute information sur les moyens contraceptifs. La loi sera pleinement appliquée en 1972.

En 1974, Simone Veil a déjà marqué de son nom la liberté des femmes à disposer de leur corps comme elles le désirent avec une loi autorisant les centres de plannings familial à délivrer aux mineurs à titre gratuit et anonyme des contraceptifs. 

Le 26 Novembre 1974, Simone Veil présente son projet de loi en faveur de l’IVG devant l’Assemblée Nationale prononçant un des discours les plus célèbres de la Ve république : 

« Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme - je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame ». 

Le vote fera l’objet de débat houleux mais la loi sera finalement promulguée le 17 Janvier 1975. Son entrée en vigueur est prévue pour une durée de 5 ans à titre expérimental mais elle est reconduite sans limite de temps par la loi n°79-1204 le 31 décembre 1979. 

Cette loi marque un véritablement tournant dans la condition de la femme française. Un nouveau droit est acquis : celui de pouvoir librement disposer de son corps. 

L’avortement aux Etats-Unis : un droit pas si immuable  

Comme en France, l’avortement fait l’objet de nombreux débats aux Etats-Unis que ce soit au sein du parti démocrate qu’au sein des conservateurs. Mais, depuis 1973, la Cour Suprême américaine considère que le droit d’une femme à l’avortement concerne le droit à la vie privée protégée par le IVe amendement de la Constitution. 

L’avortement est alors autorisé dans tous les Etats. Selon l’arrêt Roe v. Wade (1973) de la Cour Suprême, la décision est laissée à la femme jusqu’à la fin du premier trimestre. Au cours du second, l’Etat peut intervenir en ayant pour objectif la santé de la femme et ainsi réguler l’avortement de façon raisonnable. Cependant, les Etats possèdent le droit d’apporter des restrictions aux modalités d’avortement. Ainsi, plus de 487 lois ont été adoptées pour réduire sa portée. 

Entre 1992 et 2002, plus de mille établissements pratiquant les avortements ont fermé à cause d’un manque de financement de la part de l’Etat. Ceux toujours en activité font quotidiennement l’objet de manifestations d’opposants « pro-life » (=pro-vie). 

Malgré le fait que Barack Obama ait abrogé une loi interdisant l’attribution d’aides financières aux ONG pratiquant l’avortement ou prodiguant des conseils dans ce domaine ou que la Cour suprême est réaffirmée le droit des femmes à avorter, le sujet reste toujours très controversé pour les américains. Selon plusieurs sondages notamment celui Gallup de 2018, les répondants « pro-choix », c’est-à-dire ceux en faveur de l’avortement, et les « pro-vie », ont eu des réponses égales. 

À plus grande échelle, il semblerait que ce sujet divise complètement les américains rendant l’accès à l’avortement plus ou moins difficile d’une présidence à l’autre. Comme ce fut le cas lors de la présidence de Donald Trump, conservateur affiché. Plusieurs États américains tels que L’Alabama ou le Missouri ont adopté des restrictions très importantes lors de son mandat. D.Trump affiche même ses positions se montrant opposé à l’avortement sauf en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la mère. Cette position rappelle celle de Ronald Reagan alors président des Etats-Unis dans les années 1980 qui menait une véritable politique d’austérité envers l’avortement. 

Dernièrement, le Texas s’est positionné contre l’avortement en votant une loi limitant drastiquement l’accès au delà de six semaines. Celle-ci marque un véritable retour en arrière pour le droit des femmes dans un pays riche. Cette dernière est jugée régressive par de nombreux pays occidentaux dont la France notamment à cause de sa particularité : une somme de 10 000 dollars est promise à celui qui dénoncera un avortement illégal. L’enjeu du délai est important. Six semaines passent très vite et ne permettent pas forcément d’avoir une véritable réflexion sur la décision à prendre. Sachant qu’un cycle menstruel dure en moyenne 28 jours, la femme ne peut se rendre compte qu’elle est enceinte qu’au bout d’un mois. Il reste alors deux semaines pour réfléchir, trouver un médecin et réunir les fonds pour payer une telle intervention. On peut donc imaginer que les femmes qui seront le plus en danger vont être celles n’ayant pas un cycle menstruel régulier et celles n’ayant pas les moyens financiers. Cela met donc en première ligne les adolescentes. 

Les mouvements pour la vie : retour sur une mobilisation

En France, le mouvement « en marche pour la vie » mène chaque année au mois de janvier, depuis plus de 10 ans, une manifestation annuelle contre la loi sur l’IVG de Simone Veil. Ce mouvement a pour objectif d’exprimer l’opposition de certains français à ce qu’ils appellent « un dérèglement bioéthique » qui serait initié par la loi Veil. Le mouvement estime qu’en autorisant l’élimination des embryons en gestation, cette loi est devenue la source de toutes les dérives médicales et scientifiques passées, présentes et futures comme l’euthanasie. 

Selon le site internet « En marche pour la vie », le principal objectif du mouvement est de refonder une société sur le respect de toute vie humaine. Mais cela pose la question de savoir à quel moment considère-t-on que la vie commence. Cette question est au cœur des débats sur l’Interruption volontaire de grossesse. 

Ces mouvements n’existent pas qu’en France. On en retrouve un peu partout à travers le monde. 

Le 22 Octobre 2020, la Pologne déclarait l’avortement inconstitutionnel en cas de dommage grave et irréversible au foetus ou de maladie incurable qui menace la vie mais maintenait une possibilité d’interruption en cas de viol ou d’inceste. Cette décision est le résultat d’une campagne active menée par les mouvements pro vie. Elle s’est traduite par des affiches avec des messages pro vie placardées dans toute la ville. 

Cette campagne a été menée dans un contexte favorable à l’opposition à l’avortement avec un gouvernement conservateur qui estime que la protection de la vie humaine se fait déjà au stade prénatal et ne justifie donc pas que l’on est recours à l’IVG. 

Bien que des protestations se poursuivent depuis, le gouvernement n’est pas revenu sur sa décision. 

 

Par Sarah Hérent, pour Globe Echos

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