Une taupe du FBI infiltrée dans une mosquée pose un dilemme à la Cour suprême des Etats-Unis

GLOBE ÉCHOS | 09/11/21 10:14

La plainte de trois musulmans, qui accusent la police fédérale américaine de les avoir espionnés à cause de leur religion après les attentats du 11-Septembre, a semblé lundi placer la Cour suprême des Etats-Unis face à un choix cornélien.

Tout en se montrant réceptifs aux arguments des plaignants, les neuf sages ont paru soucieux de ne pas rendre une décision qui pourrait faciliter la divulgation d'informations sensibles pour la sécurité nationale.

"Ce que nous pourrons dire ou ne pas dire sur les secrets d'Etat aura des ramifications bien au-delà" de cette affaire, a souligné la juge conservatrice Amy Coney Barrett lors des deux heures d'audience.

Concrètement, trois résidents de Californie assurent que le FBI a introduit, en 2006 et 2007, un informateur dans leur mosquée pour collecter des informations sur les fidèles.

Cet homme, "qui avait un casier judiciaire, s'est présenté comme un converti désireux de revisiter ses racines franco-algériennes", a précisé avant l'audience Ahilan Arulanantham, avocat de la puissante association de défense des droits civiques ACLU, qui soutient les plaignants.

La police lui a "demandé de collecter autant d'informations que possible sur les membres de cette communauté: les numéros de téléphone, les adresses e-mail, et d'enregistrer en secret des conversations", a ajouté l'avocat lors d'une présentation à la presse du dossier.

"Elle lui a demandé d'inciter à la violence, mais il a fait tellement peur aux gens avec ses propos sur des attentats à la bombe, le jihad, les guerres en Irak et en Afghanistan, qu'ils l'ont dénoncé à la police", a encore dit M. Arulanantham.

Après cet incident, il s'était disputé avec les agents et avait décidé de rendre publics ses agissements comme informateur rémunéré du FBI, selon l'avocat.

L'imam et deux fidèles avaient alors porté plainte contre le FBI pour atteinte à la liberté religieuse et discrimination.

Le ministère de la Justice a répondu avoir lancé ce programme de surveillance pour des raisons objectives, et pas parce que ces personnes étaient musulmanes. Il s'est toutefois abrité derrière le secret d'Etat pour refuser de détailler ces raisons et a demandé aux tribunaux de classer la plainte.

- "Ultra-secrètes" -

Un tribunal de première instance avait donné raison à l'Etat, mais une cour d'appel a jugé que le tribunal aurait dû examiner à huis clos les éléments protégés par le secret.

La plus haute juridiction américaine a alors accepté d'intervenir pour trancher une question sensible: est-ce qu'un tribunal peut avoir accès à des éléments classifiés pour juger du bien-fondé d'une plainte mettant en cause la légalité d'un programme de surveillance de l'Etat?

Lors des échanges, plusieurs magistrats ont souligné les risques pour la sécurité nationale d'une réponse positive: "gérer des informations ultra-secrètes dans les tribunaux du pays créerait un énorme problème de sécurité, la plupart des tribunaux n'étant pas équipés pour traiter des informations sensibles", a souligné le juge conservateur Samuel Alito.

"Ce n'est pas le genre d'informations qu'on veut voir circuler, même pas au sein de la Maison Blanche", a ajouté son confrère Brett Kavanaugh.

Mais d'autres ont semblé gênés à l'idée de donner une totale carte blanche à l'Etat. Les plaignants semblent bien "avoir fait l'objet d'une surveillance illégale", a notamment noté la juge progressiste Sonia Sotomayor, inquiète qu'ils ne puissent obtenir justice.

Le juge conservateur Neil Gorsuch a jugé "problématique" que les autorités utilisent le secret d'Etat comme "arme offensive" afin d'obtenir le classement de la plainte.

"Il doit y avoir un moyen pour que le tribunal voie ces informations et décide quoi faire", a ajouté le doyen de la Cour, Stephen Breyer.

La Cour doit rendre sa décision d'ici juin 2022.

 

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