Les Etats-Unis expulsent un ex-gardien de camp nazi en Allemagne

GLOBE ÉCHOS | 21/08/18 21:46

L'Allemagne a accepté mardi d'accueillir un ex-gardien SS âgé de 95 ans expulsé par les Etats-Unis, invoquant sa responsabilité "morale" au moment où elle est en passe de clore les dernières poursuites contre d'anciens nazis.

Né en Pologne, Jakiw Palij, qui vivait depuis 1949 à New York, avait été assistant SS en 1941 dans le camp de travail forcé de Trawniki dans lequel plus de 6.000 Juifs ont été exterminés.

"Avec l'admission de Palij, le gouvernement fédéral envoie un signal clair de la responsabilité morale de l'Allemagne", a dit à l'AFP un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères.

Il est toutefois peu probable qu'il doive rendre des comptes à la justice. Il devrait finir ses jours dans une maison de retraite.

"Il n'y a pour le moment aucune information (qui permettrait) d'envoyer Palij devant un tribunal en Allemagne", a précisé à l'AFP le chef du département chargé d'élucider les crimes nazis de Ludwigsbourg Jens Rommel, soulignant que son appartenance aux SS et son apprentissage effectué au camp ne suffisaient pas pour enclencher "une procédure de complicité de meurtre"

Un tribunal allemand avait déjà ouvert une enquête préliminaire en 2015 à son sujet, close l'année suivante faute de preuves suffisantes.

Mensonge

Arrivé mardi matin à l'aéroport de Düsseldorf, l'homme a été transporté vers un centre de soins gériatriques près de Münster, selon la presse allemande.

M. Palij avait immigré en 1949 aux Etats-Unis et obtenu la nationalité américaine huit ans plus tard, prétendant avoir été un fermier pendant la Deuxième guerre mondiale. Mais en 2003, un juge fédéral la lui a retirée parce qu'il avait menti sur son passé de SS.

Le procureur avait estimé que M. Palij, en tant que gardien, avait empêché les prisonniers de s'échapper et avait "contribué directement à leur massacre". Des accusations que l'intéressé a réfutées.

Depuis, les Etats-Unis ont essayé à maintes reprises sans succès de l'expulser vers la Pologne, l'Ukraine (où sa ville de naissance - à l'époque polonaise - se trouve aujourd'hui) et l'Allemagne.

L'ancien garde SS a régulièrement été aux Etats-Unis l'objet de manifestations hostiles, de plus en plus fréquentes ces dernières années, devant son domicile new-yorkais.

Berlin a longtemps refusé de l'accepter sur son territoire car il n'avait pas la nationalité allemande.

Ce changement de décision est susceptible d'apaiser les tensions diplomatiques récurrentes entre Berlin et le gouvernement de Donald Trump, qui avait jugé l'affaire "hautement prioritaire".

L'ambassadeur des Etats-Unis à Berlin Richard Grenell, un proche du président Trump, a salué "la volonté politique et l'engagement de plusieurs membres de l'équipe de la chancelière" Angela Merkel. Il a aussi souligné que le secrétaire d'américain Mike Pompeo s'était beaucoup impliqué pour négocier avec son homologue allemand Heiko Maas.

Justice tardive 

"Palij avait menti sur le fait d'être nazi et est resté aux Etats-Unis pendant des décennies. Son expulsion envoie un message fort : les Etats-Unis ne toléreront pas ceux qui ont facilité les crimes nazis", a expliqué la Maison Blanche dans un communiqué.

Le centre Simon Wiesenthal a aussi salué son expulsion, jugeant qu'il ne méritait pas "le privilège de vivre aux Etats-Unis".

Le camp spécial de Trawniki, ouvert en septembre 1941, a fermé à l'automne 1943 après que des unités SS ont massacré l'ensemble des prisonniers du camp, soit quelque 6.000 juifs, dans le cadre d'une opération appelée "Fête des moissons".

L'Allemagne a jugé et condamné ces dernières années plusieurs anciens SS pour complicité de meurtre : John Demjanjuk, Reinhold Hanning et Hubert Zafke ont tous été condamnés, illustrant la sévérité accrue, mais très tardive, de la justice allemande.

Cependant, jusqu'ici, aucun n'est allé en prison en raison de leur état de santé.

Dernièrement, Oskar Gröning, dit le "comptable d'Auschwitz", a été définitivement condamné à quatre ans de prison, avant de mourir en mars à 96 ans, peu avant son incarcération.

La justice allemande est régulièrement critiquée pour son traitement des crimes du IIIe Reich, accusée d'avoir longtemps trop peu condamné, trop faiblement et trop tard.

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